08 Juillet 2024

Chaque membre de la famille humaine, forte de 8 milliards d’individus sur terre, a le droit d’être recensé. Pourtant, ce droit est bafoué pour des millions d’entre eux, notamment les plus vulnérables du monde.

Pourquoi ? Les raisons vont des contraintes financières à la marginalisation des communautés plus difficiles à atteindre. Mais nul·le n’est hors de portée. « Pour faire valoir les droits et les choix de celles et ceux qui sont relégué·e·s en marge de nos sociétés, il importe de les recenser – chaque personne compte », a récemment déclaré Dr Natalia Kanem, directrice exécutive de l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. « Notre riche trame de l’humanité se mesure à l’aune de son fil le plus ténu. »

Pour célébrer la Journée mondiale de la population, voici quatre raisons pour lesquelles il est plus important que jamais que les processus de collecte de données soient inclusifs et que tous les individus soient recensés, dans toute leur singularité.

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Chaque personne compte : Gaby, une femme transgenre autochtone propriétaire d’un salon de coiffure au Pérou, milite en faveur des femmes et de la communauté LGBTQIA+. © UNFPA Pérou/Polo Santos

1. La connaissance, c’est le pouvoir. Les informations nous aident à mesurer nos progrès mais aussi nos lacunes.

Les données désagrégées (c’est-à-dire ventilées par catégories telles que genre, situation au regard du handicap, race et origine ethnique, et autres facteurs) peuvent nous montrer que l’état de santé des femmes diffère très largement selon le groupe auquel elles appartiennent. Par exemple, une étude de l’UNFPA menée en 2023 a révélé que les femmes et les filles d’ascendance africaine vivant aux Amériques sont confrontées à un risque plus élevé de décès au cours de leur grossesse, en raison notamment du racisme généralisé dans le secteur de la santé.

De telles informations ont le pouvoir de faire bouger les choses. Pourtant, seuls quatre des neuf pays inclus dans l’analyse collectent des données relatives à la santé maternelle ventilées par race pouvant être comparées au reste du monde, avec pour conséquence l’invisibilisation des expériences de ces femmes et un risque disproportionné de décès. 

À travers le monde, les plus vulnérables représentent en effet le groupe le plus sous-représenté dans les données, « ce qui a de lourdes conséquences sur leur vie et leur bien-être », a déclaré la Dr Kanem. « L’UNFPA a récemment mené des travaux de recherche qui ont mis en évidence des inégalités profondes et croissantes, aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur de leurs frontières. »  

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La santé maternelle pour toutes : Sakina, une sage-femme travaillant dans une clinique mobile en République démocratique du Congo, anime une séance d’informations pour les femmes enceintes déplacées.© UNFPA RCD/Junior Mayindu

Les données désagrégées (c’est-à-dire ventilées par catégories telles que genre, situation au regard du handicap, race et origine ethnique, et autres facteurs) peuvent nous montrer que l’état de santé des femmes diffère très largement selon le groupe auquel elles appartiennent. Par exemple, une étude de l’UNFPA menée en 2023 a révélé que les femmes et les filles d’ascendance africaine vivant aux Amériques sont confrontées à un risque plus élevé de décès au cours de leur grossesse, en raison notamment du racisme généralisé dans le secteur de la santé.

inclus dans l’analyse collectent des données relatives à la santé maternelle ventilées par race pouvant être comparées au reste du monde, avec pour conséquence l’invisibilisation des expériences de ces femmes et un risque disproportionné de décès. 

la Dr Kanem. « L’UNFPA a récemment mené des travaux de recherche qui ont mis en évidence des inégalités profondes et croissantes, aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur de leurs frontières. »

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Un accouchement en toute sécurité malgré le conflit : Ruboneka a accouché avec l’aide de sages-femmes formées dans une clinique mobile d’un camp de déplacement, en République démocratique du Congo. © UNFPA DRC/Junior Mayindu

2. Les décisionnaires ont besoin de données pour appuyer les réformes.

Les gouvernements ont besoin de données pour prendre des décisions. Où devrait-on construire une nouvelle maternité ? Combien de femmes dans une région donnée n’utilisant pas encore de contraceptif moderne souhaitent y avoir recours ? Répondre à ces questions demande des recherches, menées de façon éthique, avec la participation des communautés concernées.

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La dignité en temps de crise : des femmes reçoivent des kits contenant des produits d’hygiène essentiels et d’autres provisions pendant des inondations au Bangladesh. © UNFPA Bangladesh/Quddus Alam

Prenons en exemple le Cambodge, qui a réduit son taux de mortalité maternelle de près de deux tiers depuis 2000. S’appuyant sur les nombreuses preuves mettant en évidence le rôle essentiel des sages-femmes dans la prévention des décès maternels, le gouvernement a investi dans des programmes pour former et renforcer ses effectifs. Entre 2010 et 2019, le nombre de sages-femmes déployées dans des unités de soins dirigées par des sages-femmes a presque doublé, d’après le rapport 2021 de l’UNFPA portant sur l’état de la pratique de sage-femme dans le monde.

« Mon travail sauve de nombreuses vies », a déclaré Khoeub Kuntheary à l’UNFPA en 2017. « Je suis fière d’être sage-femme ! »
 

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Un travail qui sauve des vies : des sages-femmes et des infirmier·ère·s participent à une session de formation sur les complications obstétricales dans un hôpital de Migori, au Kenya. © UNFPA/Luis Tato

3. Des données inclusives révèlent qui est laissé de côté.

À l’échelle mondiale, on estime à 15 % la population vivant avec un handicap, situation qui s’accompagne généralement de violations des droits et d’une marginalisation. D’après l’étude 2024 de l’UNFPA sur l’état de la population mondiale, les femmes handicapées sont susceptibles d’être 10 fois plus vulnérables à la violence basée sur le genre.

Bien trop souvent, les personnes en situation de handicap ont été privées des avancées qui ont permis aux populations plus faciles à atteindre de bénéficier d’une meilleure santé sexuelle et reproductive. Pour développer des interventions ciblées visant à aider des communautés, il faut d’abord comprendre les difficultés auxquelles elles sont confrontées. En d’autres termes, ce processus nécessite de disposer de données.

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En Gambie, la distribution de protections menstruelles permet aux filles de l’école St John pour sourd·e·s de ne pas manquer les cours. © UNFPA Gambie
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L’accès aux produits d’hygiène et de santé menstruelles contribue à réduire les inégalités pour les filles. © UNFPA Gambie

La bonne nouvelle, c’est que de nombreux pays mettent actuellement à jour leurs méthodes de collecte d’informations pour recueillir les connaissances dont ils ont besoin afin de ne laisser personne de côté. Par exemple, des travaux de recherche de l’UNFPA montrent que la part de pays sondant leur population avec des questions standards relatives à leur expérience du handicap a plus que doublé depuis 2018.

Parmi eux, la Tanzanie. « Les pouvoirs publics, tout comme la communauté du handicap, réclamaient des données plus précises », expliquait Seif Kuchengo, statisticien principal et coordinateur du recensement national, à l’UNFPA à propos des réformes de 2012 sur le recensement en Tanzanie.

4. La collecte de données éthique et inclusive oblige les gouvernements à rendre des comptes. 

Les données peuvent être sensibles. Elles ont été, et sont encore, utilisées pour gravement bafouer les droits des personnes selon leur race, leur orientation sexuelle ou leur situation au regard du handicap. Mais il est peu probable que le monde parvienne à résoudre les problèmes liés à l'utilisation abusive des données en ne les collectant pas du tout. La solution réside dans l’intervention de la société civile et des organisations non gouvernementales, ainsi que des spécialistes et des personnes marginalisées elles-mêmes, car elles savent mieux que quiconque comment garantir la sécurité et le respect des individus tout au long du processus de collecte de données. Elles doivent être consultées au sujet de la collecte et de l’utilisation des données. En outre, elles doivent être autorisées et encouragées à collecter et à publier leurs propres données, car la stigmatisation et la peur contraignent bien souvent les personnes à dissimuler leur identité et leurs expériences auprès des personnes chargées de la collecte nationale de données.

Des formations peuvent également aider les personnes chargées de la collecte des données à faire preuve de compassion et de respect dans le cadre de leurs recherches. Par exemple, Udani Elpitiya s’est minutieusement préparée à remplir son rôle de recenseuse lors du tout premier sondage national du Sri Lanka sur la violence à l’égard des femmes. En 2021, elle a rapporté à l’UNFPA l’histoire d’une femme qui avait survécu à des dizaines d’années de violence infligée par son mari, mais qui n’en avait jamais parlé. « Elle n’avait personne à qui raconter ce qu’elle avait subi pendant toutes ces années », expliquait Mme Elpitiya. « Elle était en pleurs en me racontant son calvaire. Alors que je m’apprêtais à partir, elle s’est agenouillée et m’a remerciée. »

Il est bien trop facile pour les décisionnaires d’ignorer les problèmes sociaux en prétendant qu’ils n’existent pas, et que certaines populations n’existent pas non plus. Après tout, pourquoi allouer des fonds à un programme de santé visant à répondre aux besoins propres à la communauté LGBTQIA+ si un pays ne compte aucun membre au sein de sa population ? Il est bien plus difficile de faire comme si de rien n’était avec des données solides (provenant des gouvernements, de la société civile, du monde universitaire et des communautés elles-mêmes), alors qu’elles donnent au contraire aux communautés, en particulier les plus marginalisées, les moyens de demander des comptes aux autorités.

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Des soins pour les personnes déplacées : Sara et son nouveau-né reçoivent de l’aide dans un centre soutenu par l’UNFPA pour les réfugiées et leurs enfants, après les séismes de 2023 en Türkiye. ​​© UNFPA Türkiye/Gözde Kumru Uçak
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Sara, qui a dû quitter son foyer alors qu’elle était enceinte de sept mois au moment des séismes, a mis sa famille à l’abri dans un camp pour personnes déplacées. © UNFPA Türkiye/Gözde Kumru Uçak

Dans un monde où les disparités et les crises ne cessent de s’aggraver, les gouvernements doivent s’engager à rassembler et à utiliser les données pour répondre aux besoins de toutes les personnes laissées de côté. L’UNFPA œuvre à l’échelle mondiale pour soutenir les gouvernements dans cette mission.

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Des sages-femmes spécialisées à l’hôpital San Andrés à Tumaco, en Colombie, ont été formées avec le soutien de l’UNFPA. © UNFPA/Carolina Navas

« Ne pas recenser une personne, c’est la rendre invisible et, par conséquent, ne pas lui donner la possibilité d’exercer ses droits », a affirmé la Dr Kanem. « L’humanité ne pourra progresser que si chaque personne est recensée, où qu’elle se trouve et quelle qu’elle soit, dans toute sa singularité. Pour en finir avec les inégalités, pour instaurer et cultiver la paix et la prospérité, pour que l’espoir brille d’une lumière plus intense, il importe de redoubler d’efforts en faveur de l’inclusion. » 

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