17 Février 2025

En 2023, lorsque les forces paramilitaires sont entrées dans la ville d’Al-Genaina au Darfour-Occidental, province du Soudan, les gens ont fui pour sauver leur vie. À l’exception de Daralssalam, 41 ans. Enceinte de neuf mois, c’est à ce moment-là que son bébé est arrivé et qu’elle a commencé le travail sur le bord de la route.

Les miliciens « n’ont fait aucune différence entre les hommes, les femmes et les enfants », raconte Daralssalam, en pleurs alors qu’elle se remémore l’insoutenable violence dont elle a été témoin. « Ils ont tué ou violé tout le monde. »

Alors qu’elle accouchait, les combattants l’ont encerclée. « Un milicien m’a arraché mon bébé, sectionnant le cordon ombilical », explique-t-elle. Ils ont écarté les jambes du nouveau-né pour vérifier ses parties génitales. « Ils m’ont dit que si c’était un garçon, ils le tueraient. » Heureusement, le bébé est une fille et sa vie est ainsi épargnée.

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Au camp de réfugié·e·s d’Adré, dans l’est du Tchad, Daralssalam tient sa fille, née sur le bord de la route alors que sa mère était encerclée par des miliciens.

La guerre, qui a commencé lorsque des conflits armés ont éclaté entre les forces armées soudanaises (FAS) et les Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) en avril 2023, continue de faire rage, déplaçant plus de 12 millions de personnes. L’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, s’est rendue dans les vastes camps de déplacement au Soudan, ainsi qu’au Tchad et en République centrafricaine, pour recueillir les récits de vie des femmes et des filles en plein cœur de la guerre.

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Mère de cinq enfants, Daralssalam se souvient des matinées ordinaires de sa famille, avant que les combats n’éclatent : « On prenait le petit-déjeuner ensemble avant de partir à l’école et au travail. » Enseignante, Daralssalam se rendait à l’université. La famille est désormais éclatée : trois de ses enfants sont avec elle au Tchad, mais elle n’a plus de nouvelles du reste de ses proches. Le chaos a séparé Daralssalam de son mari et de ses autres enfants.

« En un jour, tout a basculé. »
–Daralssalam

Le conflit a engendré la plus grande crise de déplacement au monde. Les femmes et les filles sont prisonnières d’un cauchemar sans fin mêlant violence, faim et maladie.

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Souat a fui sa maison au Darfour et s’est réfugiée dans le camp de Farchana, au Tchad.

Souat, 39 ans, a été témoin de crimes atroces visant la population civile dans sa ville natale d’Al-Geneina. « Nous avons subi des tirs nourris », témoigne-t-elle. « Plus de 50 familles ont été tuées en un jour. Nous avons ramassé leurs corps dans des sacs et les avons enterrés. Après ça, les FSR ont posté des snipers dans toute la ville : on ne pouvait même pas sortir trouver de la nourriture ou de l’eau. De nombreuses maisons ont été incendiées. Lorsque nous avons fui Al-Geneina, nous pensions vivre nos dernières heures. Sur le trajet, nous avons vu des femmes avec des membres brisés et des enfants de tout juste quatre ou cinq ans à qui on avait coupé les jambes ou les mains. »

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Souat, 39 ans, a été témoin de crimes atroces visant la population civile dans sa ville natale d’Al-Geneina. « Nous avons subi des tirs nourris », témoigne-t-elle. « Plus de 50 familles ont été tuées en un jour. Nous avons ramassé leurs corps dans des sac
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« Il y avait des snipers sur le toit de l’hôpital. » –Fatima

Près de 8,8 millions de personnes ont été déplacées de force à l’intérieur du Soudan. Fatima est l’une d’entre elles. Désormais réfugiée au camp de Tawila du Darfour du Nord, elle travaillait auparavant à l’hôpital d’El Fasher.

« L’hôpital a été attaqué, et des snipers ont pris position sur notre toit. C’est ce qui nous a contraint·e·s à évacuer », raconte-t-elle. « Certain·e·s de nos collègues ont perdu la vie dans l’attaque, l’un de notre hôpital et l’autre de la maternité d’El Fasher. »

En janvier 2025, un drone a frappé la maternité d’El Fasher, faisant 70 victimes. Les Nations Unies restent profondément inquiètes pour la population civile de la région.

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Un camp pour personnes déplacées internes à Al-Qadarif, dans le sud-est du Soudan.
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Alaa et ses enfants font partie des réfugié·e·s du camp d’Al-Qadarif.

Outre les millions de personnes déplacées à l’intérieur du Soudan, quelque 3,6 millions d’individus ont fui vers les pays voisins.

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Au camp de Korsi, en République centrafricaine, des centaines de personnes arrivent chaque jour.
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Nombreuses sont les personnes arrivant traumatisées et affamées au camp.
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Hadidja, photographiée à son arrivée en République centrafricaine moins de 24 heures auparavant, tient son fils de trois ans, Baja.
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Souat (en haut à gauche) est submergée par l’émotion alors qu’elle raconte les difficultés de la vie pour la population réfugiée du camp de Farchana, au Tchad. « Les besoins sont tellement énormes », explique-t-elle. « Nous avons besoin de tout : d’une ambulance, de cliniques, de fournitures médicales, de nourriture et d’eau. Si on ne mange pas, on meurt, vous voyez ? Nous devons mettre un terme aux mariages d’enfants et protéger les femmes des attaques qu’elles subissent dans le camp. Nous avons perdu nos maisons, nos familles, tout. Nous n’avons plus rien. Nous avons besoin d’une aide humanitaire bien plus conséquente. »

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Des résident·e·s du camp de Korsi en République centrafricaine.

Les femmes et les filles représentent environ la moitié des personnes déplacées en République centrafricaine.

La guerre au Soudan est désormais caractérisée par d’insoutenables violences sexuelles. De nombreuses femmes et filles sont encore victimes de viols, d’enlèvements et de mariages forcés. Une hausse de 400 % de personnes demandant l’aide de services d’intervention face à la violence basée sur le genre a été constatée au second semestre 2024.

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Elodie, 25 ans et psychologue de l’UNFPA, et Jamila, 29 ans et assistante sociale, s’adressent à des femmes dans un espace sûr du camp de réfugié·e·s d’Adré, au Tchad.

L’UNFPA œuvre sans relâche pour répondre aux besoins des femmes et des filles qui ont survécu à des viols et autres supplices. Dans les espaces sûrs et les cliniques du Soudan et des pays voisins, les partenaires de l’UNFPA assurent un soutien physique et émotionnel pour les survivantes, notamment par le biais de la gestion clinique des viols, d’une aide psychosociale et d’un soutien par les paires.

Mais le personnel de l’UNFPA peine à gérer la demande pour ces services. Une bien plus grande aide humanitaire est cruciale pour répondre à une crise d’une telle ampleur.

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Les femmes et les filles qui arrivent dans les camps ne sont pas pour autant au bout de leurs peines. « La vie dans ce camp est dangereuse pour les femmes », affirme Mariam, 32 ans, du camp de Korsi. Comme bien d’autres femmes cherchant du travail pour nourrir leur famille, elle a été confrontée à un « choix », explique-t-elle : « Travailler pour quelqu’un qui ne vous engage que s’il peut profiter de vous, ou laisser vos enfants mourir de faim. » Après le meurtre de son mari au Soudan, elle est devenue la seule à pourvoir aux besoins de ses sept enfants.

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De nombreuses femmes assument les responsabilités familiales après la mort ou la disparition de proches. Depuis le meurtre de sa sœur au Soudan, Assania, qui vit dans un camp en RCA, essaie de subvenir aux besoins de ses enfants et de ceux de sa sœur.
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La forêt qui borde le camp est source de bois pour cuisiner, mais ramasser du bois est une tâche qu’Assania redoute à cause des nombreux signalements de viol.
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Marie Justine, de l’UNFPA s’adresse à des femmes dans un espace sûr du camp de Korsi.

Le soutien de l’UNFPA consiste non seulement à permettre aux survivantes de la violence basée sur le genre de bénéficier d’aide et de services, mais aussi à atténuer les risques que les femmes encourent et à leur enseigner des compétences pour les aider à reconquérir leur indépendance. Par exemple, au camp de Korsi, tout près de la ville de Birao, les activités produisant des revenus, comme apprendre à faire du pain ou à coudre, permettent aux femmes d’installer des stands en ville et d’être ainsi leurs propres patronnes.

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Au camp de Farchana au Tchad, les membres du personnel de l’UNFPA exposent aux filles les risques liés aux mariages d’enfants.
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Omima, 15 ans, et Muszdilfa, 22 ans, participent à un jeu de rôle et partagent des informations relatives à la santé menstruelle.
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Le rôle d’une sage-femme ne s’arrête pas aux soins maternels et néonataux. Ici, dans une clinique près du camp de Farchana, une sage-femme explique le fonctionnement des différents contraceptifs.
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Nadine, 25 ans, est une sage-femme soutenue par l’UNFPA qui travaille à la clinique de Birao, en République centrafricaine. L’établissement, situé près du camp de Korsi, propose des services gratuits pour les personnes réfugiées. L’UNFPA finance les salaires d’une sage-femme et d’une infirmière qui assurent des soins holistiques en matière de santé sexuelle et reproductive et de violence basée sur le genre et qui sont formées pour prendre en charge les complications obstétricales.

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Zara, 30 ans, une sage-femme soutenue par l’UNFPA, déballe des produits essentiels dans une nouvelle clinique médicale de la ville de Farchana, au Tchad.
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Makboula porte Laila qui vient tout juste de naître. La mère de l’enfant a marché pendant six jours pour atteindre l’hôpital.

Au Soudan, les sages-femmes ne comptent pas leurs heures pour accoucher les femmes en toute sécurité. À la maternité de Gedaref, dans l’est du pays, la charge de travail a été multipliée par trois pour Makboula. « Avant la guerre, on pratiquait environ 10 à 12 accouchements par jour. Maintenant, nous accouchons plus de 35 femmes chaque jour », témoigne-t-elle. Cette hausse s’explique par la migration des personnes fuyant les régions plus dangereuses du pays. « Je suis épuisée, mais j’oublie tout de ma fatigue lorsque j’assiste à la naissance d’un nouveau bébé. »

Salouah tient Inass, sa fille d’un an, née dans la clinique d’un camp, au Tchad.
Lana est allée à la maternité de Kosti, dans le Nil Blanc, au Soudan, en charrette tirée par un âne.
Tisse et son bébé dans le service maternité de la clinique de Birao en République centrafricaine.

Tant que la paix ne fera pas son retour au Soudan, rentrer restera dangereux, et les mères déplacées élèveront leurs bébés sous des tentes érigées dans des régions reculées. L’UFNPA, ses partenaires et les équipes de sages-femmes compétentes et de spécialistes de la violence basée sur le genre ont la ferme intention de poursuivre leur mission pour protéger les femmes et les filles vivant dans l’incertitude et subvenir à leurs besoins.

Nous avons besoin de tellement plus pour prévenir des souffrances évitables. Pourtant, alors qu’il nous faut accélérer le rythme, la réponse humanitaire de l’UNFPA est confrontée à l’incertitude. Les coupes budgétaires des programmes, causées par la suspension ou le retrait du financement américain, auront des conséquences dramatiques pour les femmes et les filles affectées par ce conflit. L’UNFPA reste déterminée à poursuivre ses efforts pour subvenir aux besoins des femmes déplacées. Les répercussions engendrées par la perte d’accès aux services vitaux sont inconcevables.

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Wasila, 22 ans, se maquille dans sa tente du camp de Korsi. Elle a dû abandonner ses études pour se mettre en sécurité toute relative avec sa sœur, gravement blessée. « Je rêve de retourner au Soudan à la fin de la guerre », déclare-t-elle.

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